ÉDITO
SAISON 2024 | 2025

« Rencontrer quelqu’un, le rencontrer vraiment – et non simplement bavarder comme si personne ne devait mourir un jour – est une chose infiniment rare. La substance inaltérable de l’amour est l’intelligence partagée de la vie. »
Christian Bobin

Il est midi.

Tout est déjà passé si vite…
Le réveil embrumé ou éclatant, le café brûlant avalé en vitesse, le grand cartable chargé de connaissances sur de frêles épaules et la petite main qui tient celle de l’adulte.
L’étreinte ou le baiser donné à la hâte sur le pas de la porte.
Le métier exercé avec passion ou obligation, les nouvelles du monde et ses missiles de violence sur nos esprits, les rires échangés autour d’une cigarette qu’on regrette secrètement, les kilomètres de marche, de course, de sprint pour rattraper le temps, le métro, les listes interminables de tâches – effacer, écrire, effacer – l’hypnose des écrans à chaque minute, le désir d’évasion, de nature, ou d’en découdre avec la ville comme dans un roman de Balzac…
Tout cela, et bien plus encore, aura tournoyé comme un manège de fête foraine tout le jour.

Il est 19h ou 20h…
On a sanctuarisé dans un agenda déjà très chargé ce temps où il faudra pourtant tout arrêter.
Remonter la rue de Ménilmontant, franchir d’autres portes, observer de nouveaux visages, se laisser accueillir. Prendre un billet ou noter son nom, boire un verre au bar avec l’ami·e retrouvé·e, se changer pour une tenue plus confortable ou laisser rêver sa solitude sur un fauteuil.
Pendant 1h30 environ, il faudra tout suspendre, plonger sans retenir son souffle, prendre le temps de la révolte, de l’exaltation, panser les blessures de l’âme, vibrer pour rien, verser des larmes de rire ou d’indignation.
Mais surtout, surtout, il faudra être et faire avec l’autre.
Éteindre ses machines, s’asseoir à côté de quelqu’un·e qu’on ne connait pas, accepter le silence lorsque le noir se fait dans la salle et partager : tous les âges d’Elise Noiraud, les hasards nécessaires de Delphine Horvilleur et Johanna Nizard, les temps de l’amour de Damien Rondo et Armelle Pioline, les musées intérieurs de Charles Chauvet, les sororités d’Océane Mozas, les mélancolies de Maïanne Barthès, les transformations d’Amine Adjina et Émilie Prévosteau, les révoltes de Philippe Cyr et Safia Nolin, l’engagement d’Olivier Letellier, les rêves de Kelly Rivière, les mémoires vives de Marie Dompnier, Jan Peters et Benoît Delbecq, les vitalités de Pierre Durand, Cécile Garcia Fogel et Joël Jouanneau, les enquêtes de Jacques Vincey, les étreintes de Lou Wenzel, les accords majeurs de Grégoire Letouvet et la puissance poétique de Joël Pommerat.

On s’attablera avec une Grande Personne, on célèbrera les forces vives du quartier lors de l’Amandier Social Club et on brûlera de désir lors des festivals L’Équipé·e, Fragments et Impatience.

Et pendant que certain·e·s suspendront le temps dans le Théâtre ou la Salle Transformable, d’autres le feront vibrer dans l’une des salles où il est possible chaque jour de pratiquer le théâtre, la danse, le cirque, l’écriture, le chant ; où il est possible de connecter le corps et l’esprit et où l’inconnue devient familière.

Il est minuit.
Le dernier verre est partagé, les portes se referment, la servante éclaire l’obscurité du plateau.
Et demain, tout recommence ?
Demain, tout commence.

Bienvenu·e·s aux Plateaux Sauvages.

LAËTITIA GUÉDON
Directrice